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L’art : un placement comme les autres ?

Publié le 28 mai 2021
Le marché de l’art fascine autant qu’il intimide. Véritable passion pour les uns, gisement de placements rentables pour d’autres, c’est avant tout un univers complexe où les repères sont fluctuants. Découvrez les conseils de deux spécialistes.

110  millions de dollars pour un Monet, 91 millions pour un Jeff Koons, 59,2 millions pour un Cézanne… les plus beaux coups de marteau de 2019 ont de quoi donner le tournis. Et pour cause, l’année 2019 s’est révélée un bon cru pour le marché de l’art, avec près de 550 000 lots de « fine art » (peinture, sculpture, dessin, photographie, estampe, installation…) vendus aux enchères. Un record. Sur ce marché, la France tire son épingle du jeu. Avec 82 000 lots vendus pour 827 millions de dollars, Paris réalise la meilleure progression de l’année en termes de chiffre d’affaires (+18 %).

L’art : un marché plus accessible qu’on ne le croit

Éminemment réjouissants pour les vendeurs, ces résultats impressionnants sont aussi de nature à intimider Monsieur Tout-le-Monde, qui pourrait être amené à croire que les clés du marché de l’art sont détenues par une petite élite très fortunée aux connaissances pointues...

« Mais ce n’est pas le cas, indique Émilie Villette, directrice du développement de Christie’s. Le prix moyen des adjudications lors de nos ventes en salle en France est autour de 40 000 euros. Il s’établit à environ 7 500 euros pour nos ventes 100 % en ligne proposées sur notre site Internet. On peut même s’offrir des œuvres de grands maîtres pour moins de 100 000 euros : nous avons déjà vu partir de beaux dessins de Géricault à 30 000 euros. »

Et si notre cœur penche plus vers l’art contemporain que vers les maîtres classiques ? Bonne nouvelle également : si certaines signatures tutoient les sommets – Peter Doig, Richard Prince, Damien Hirst... – « quelques milliers d’euros peuvent suffire pour acheter des œuvres de grande qualité avec lesquelles on aura plaisir à vivre pendant de longues années », affirme Sonia Rameau, fondatrice de la galerie en ligne Artistics, qui propose un vaste catalogue de 1 500 œuvres contemporaines, dont les prix varient de 500 à 95 000 euros, avec une moyenne de 4 200 euros par vente.

Un placement concret, fiscalement attractif, potentiellement rentable...

Ce grand écart un rien mystérieux entre belles pièces accessibles, qui pourraient prendre de la valeur, et cotations stratosphériques, qui sont toutes parties de rien un jour, est de nature à entretenir l’intérêt de ceux qui rêvent de rentabilité maximale comme de ceux qui sont juste à la recherche d’un levier de diversification patrimoniale efficace. Mais reste à savoir si l’achat d’œuvres artistiques est un placement comme les autres...

Sur le papier, investir dans l’art présente trois atouts de taille :

  • Le premier est le caractère concret du placement, particulièrement recherché par le grand public depuis la crise.
  • Le deuxième est une fiscalité attractive. De fait, les œuvres d’art n’entrent pas dans le calcul de l’impôt sur la fortune immobilière. Par ailleurs, à la revente, les plus-values seront soit soumises à une taxe forfaitaire correspondant à 6,5 % du prix de vente, soit imposées au régime général de 36,2 % de la plus- value (avec un abattement de 5 % par année de détention à compter de la seconde année, ce qui permet une exonération totale au bout de 22 ans).
  • Enfin le troisième avantage réside dans des perspectives de rentabilité séduisantes. Leader mondial de la cotation des œuvres d’art, Artprice a ainsi calculé que le rendement d’une œuvre de 20 000 euros est en moyenne de 9 % par an et qu’il peut grimper à 12-15 % quand le palier de 100 000 euros est atteint.

L’œuvre d’art est un bien patrimonial doté une valeur financière

Pour autant, ces caractéristiques ne suffisent pas à faire des œuvres d’art la classe d’actifs à privilégier ! « Je suis d’ailleurs convaincue que l’art n’est pas un produit d’investissement au sens purement financier du terme, c’est essentiellement un bien patrimonial qui a une valeur financière », affirme Émilie Villette.

Même écho chez Sonia Rameau, qui souligne également la volatilité importante du marché : « Si on veut acquérir une œuvre dans une optique de rentabilité, il faut vraiment être très aguerri aux fonctionnements du marché de l’art. Les repères sont friables et les effets de mode peuvent avoir des répercussions dramatiques sur la cote des artistes. C’est un choix très risqué ! »


La meilleure façon d'aborder l'art est de ne pas en avoir peur

La passion de l'art avant la rentabilité de l'investissement

Mais alors, dans quelles conditions faut-il acheter ? « Je pense que l’acquisition d’une œuvre d’art est d’abord une affaire de désir, de plaisir et de curiosité, poursuit Émilie Villette. Mais cela ne signifie pas qu’il faut acheter n’importe quoi, n’importe comment, surtout si l’on s’inscrit dans une vision patrimoniale. Il est toujours indispensable d’être vigilant sur l’adéquation entre la valeur de l’œuvre sur le marché et le prix auquel on l’achète ! »

Et si l’on ne se sent pas à l’aise avec un marché difficile à appréhender, il est toujours possible de se faire accompagner par un professionnel : conseiller en patrimoine spécialisé, commissaire-priseur, galeriste... « La meilleure façon d’aborder l’art est de ne pas en avoir peur, conclut Sonia Rameau. Le mieux est de le voir comme un enrichissement intellectuel, émotionnel et esthétique qui vaut tous les investissements... »

Conseil n° 1 : Renseignez-vous systématiquement sur la provenance de l’œuvre, sur son état de conservation et sur l’identité du vendeur...

Conseil n° 2 : On vous propose un chef-d’œuvre d’un grand artiste à prix cassé ? Fuyez !

Conseil n° 3 : Si vous rêvez d’une œuvre d’un grand nom mais que votre bourse est modeste, intéressez-vous aux dessins ou aux esquisses préparatoires.

Conseil n° 4 : Essayez de voir l’œuvre « en vrai ». À défaut, n’hésitez pas à demander toutes les photos et renseignements nécessaires pour vous faire une idée précise de son aspect et de son encombrement.

Conseil n° 5 : Essayez avant d’adopter (mais sans abuser). Certaines galeries proposent un remboursement et un retour à leurs frais en cas d’insatisfaction. 

Conseil n° 6 : Préférez les œuvres « fraîches », c’est-à-dire qui n’ont pas récemment fait l’objet de ventes successives.

« Acheter une sculpture, une photo ou un tableau sans l’avoir vu “en vrai” ? Le pari semblait des plus audacieux il y a quelques années. Aujourd’hui, cette option séduit de plus en plus de passionnés, car l’offre est pléthorique et les prix sont souvent plus accessibles que dans les circuits “physiques”.

Le marché de l’art en ligne est en pleine croissance, attirant un public nouveau, plutôt plus jeune, plus international et moins urbain que les acheteurs d’art classiques. Il se structure autour de nombreux acteurs : des galeries online comme Artistics, des plateformes géantes comme Artsy, Artnet ou 1stDibs et des grandes maisons ayant pignon sur rue qui souhaitent diversifier leurs canaux de diffusion. Mais, pour autant, c’est un marché qui doit encore gagner en maturité et en transparence, ce qui implique d’être très vigilant avant de succomber à un coup de cœur. Mon conseil : n’achetez que sur les sites offrant une information transparente sur l’œuvre et l’artiste, qui permettent de bien visualiser l’œuvre (à défaut, n’hésitez pas à demander des photos supplémentaires) et qui fournissent les garanties nécessaires : certificat d’authenticité, assurance livraison et possibilité de retour. »

Sonia Rameau, fondatrice et présidente d'Artistics.com

Sonia Rameau, fondatrice et présidente d'Artistics.com

En savoir plus, site artistics.com

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